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Mémoires imparfaits: Ecrire sur soi ne va pas de soi

Dialogue entre Thierry Béguin, auteur du livre, et Pierre-Henri Béguin, président du Musée de l'Areuse

22 juin 2016

 


L'affiche présentée par Albert Rossetti, Thierry Béguin
et Christian Berger.



Pierre-Henri Béguin, président du Musée de l'Areuse, relève que Thierry Béguin est en bonne partie chez lui ici. Le Musée a été menacé de destruction et il était politiquement très incorrect de soutenir ce musée. Et en 1997, un discours musclé a été tenu devant des autorités fédérales, cantonales et communales; il a été un déclencheur du sauvetage de ce musée. Remerciements à Thierry Béguin de ce coup de main qui a permis de sauver ce musée.

Parcours exemplaire qu’est le sien. Né à La Chaux-de-Fonds, ce qui est déjà un honneur, études de droit, avocat et juge d’instruction, procureur général pendant 12 ans, conseiller aux Etats à Berne (1987-1999), puis conseiller d’Etat (1997-2005), à la tête du département de l’Instruction publique. Retiré des instances politiques, il ne se tourne cependant pas les pouces: écriture d’un livre, président de l’Institut neuchâtelois, président de la Fondation romande du cinéma… très riche parcours donc.

Aujourd’hui, nous parlons d’un livre dans lequel Thierry Béguin raconte les histoires de son histoire autobiographique. Nous allons parler d’expériences personnelles liées à différents thèmes que nous allons passer en revue ce soir. Ce ne sera pas une conférence parce que Thierry Béguin a estimé qu’il était difficile de parler en conférence d’une autobiographie. Donc, il y aura un dialogue entre deux personnes.



Pierre-Henri Béguin et Thierry Béguin.



Ecrire sur soi ne va pas de soi. Ecrire sur soi, ça fait du bien, mais après il faut publier.

Pierre-Henri Béguin (PHB): Vous portez un nom que je trouve prestigieux et vous faites honneur à cette grande lignée. Cependant, vous êtes un peu un demi-Béguin, donc pas un pur. Les vrais Béguin’s sont originaires de Rochefort, sont des Neuchâtelois pure souche, sont protestants. Répondez-vous à tous ces critères ?

Thierry Béguin (TB): Partiellement. Je suis un Béguin de Rochefort, mais si on remonte dans la lignée, il y a pas mal de sang alémanique (deux arrière-grand-mères alémaniques) et ma mère est Arlésienne. Un petit coin de mon cœur est en Provence, patrie de ma mère, mais mon cœur est neuchâtelois. Si je devais choisir, je ne voudrais pour rien au monde quitter le canton de Neuchâtel, parce que c’est là que je suis bien.

PHB: Les thèmes traités dans ce livre autobiographique sont: la famille, la politique, la religion. D'où ma question: Mémoires imparfaits, titre de votre livre, écriture autobiographique, est-ce difficile de tout dire? Dans ce mot «imparfait», y a-t-il l’idée d’une censure et si oui quelle serait cette censure?

TB: J’ai joué sur ce mot «imparfait»: le passé et l’incomplétude. Si j’avais voulu écrire tout ce que j’ai fait dans ma vie, ce serait barbant. Donc, ce sont plutôt des tableaux, des sortes de flashes qui illustrent ma vie et mon évolution intellectuelle et politique. Autocensure? Bien sûr! Ce livre n’est pas mon idée, c’est l’éditeur qui me l’a demandé. Proposition certes flatteuse, mais surprenante. Tout de suite, j’ai décidé de ne pas régler des comptes, de ne pas dire du mal, ce qui demande déjà de la discipline. Longue réflexion sur ce qu’est la mémoire. J’ai écrit sans aucun document, seulement sur base des souvenirs que j’ai dans la tête. La mémoire est sélective, mais parfois aussi trompeuse. La mémoire, ça se reconstruit comme l’histoire. Il faut donc être très attentif et conscient qu’on interprète ces faits qui nous sont restés dans la tête, mais qui ne correspondraient pas exactement aux faits. Si je parle avec mon père de certains souvenirs, je sais d’avance qu’on les a ressentis émotionnellement de la même manière.

Je me suis mis au travail sans être convaincu de l’utilité de l’exercice. Il fallait prendre du champ, de la distance avec mes occupations. Un mois en Bretagne tout seul: je suis rentré avec quelques maigres feuillets. Et comme mon éditeur ne disait plus rien, j’ai mis cela de côté et j’ai fait le mort. Jusqu’au jour où j’ai reçu un petit courriel me demandant quand je pensais mettre un point final à mon livre! Après réflexion, j’ai conclu que c’était ma paresse qui parlait, que ce n’était pas tous les jours qu’un éditeur nous sollicitait, que c’était un défi à relever… On était au mois d’octobre et j’ai demandé un délai à fin juin pour livrer le manuscrit. L’éditeur a accepté et, donc, j’étais coincé.

Discipline de fer: tous les matins, deux à trois heures d’écriture ou de réflexion. J’ai livré in extremis mon manuscrit, avec angoisse: est-ce bien cela qu’il attendait? J’ai donc dû être poussé pour le réaliser. C'est l’histoire d’une famille et de mes relations avec la grande Histoire (la grande Histoire expliquée par la petite histoire). Quand je dis que mon grand-père est revenu à La Chaux-de-Fonds en 1939 en tant que photographe, pendant la grande crise. Il n’avait pas de boulot. Il s’est mis à jouer au billard… et il est devenu champion de billard. Ce que j’ai écrit sur ma famille, je l’ai fait aussi pour mes enfants et je verse ce texte aux AVO (Archives de la Vie Ordinaire).

PHB: Cette petite histoire appelle une question: ce qu’on connaît d’un homme politique, c’est une silhouette. Mais quand on écrit ses mémoires, on arrive dans l’intimité, dans le jardin secret. Est-ce une barrière difficile à franchir au moment d’écrire?

TB: Dans l’introduction, j’ai précisé que je n’allais pas parler de ma vie privée, de ma femme et de mes enfants. J’évoque des vécus au travers de mon vécu: mes études, ce qui m’a influencé, ce qui m’a obligé à porter un regard différent sur mon environnement. Au fond, je connaissais peu de chose de la vie ordinaire des gens. Mon père était aussi un intellectuel. On vivait dans les livres. Mes idées ne collaient pas tout à fait aux vérités que je rencontrais sur le terrain, dans mon métier d’avocat ou de magistrat. La frontière entre le bien et le mal n’était pas aussi évidente à trancher, il y avait des gens qui avaient d’autres idées, mais qui étaient tout à fait respectables. Cette succession de vécus, j’essaie de la rendre attractive. En expliquant certains relativismes, qu’il faut vivre avec les gens tels qu’ils sont, essayer de faire que les gens puissent vivre ensemble, si pas dans l’harmonie, au moins sans violence.

On peut critiquer notre système, on peut critiquer la Suisse. On a trouvé dans ce petit pays un modus vivendi avec le temps. Après des épreuves, on a réussi à trouver un système politique compliqué, avec des équilibres fragiles, mais qui permet de vivre en paix, ce qui aujourd’hui est un immense privilège. C’est la sagesse des institutions helvétiques. On a tort, dans l’instruction publique, de réduire les heures de cours d’histoire. L’histoire est très importante pour former la conscience citoyenne. Il y a un noyau dur institutionnel à conserver. Ce noyau n’est pas là par hasard.

PHB: Ce n’est pas un simple livre qui raconte les histoires des histoires personnelles. C’est un livre qui est écrit: c’est piquant, c’est vivant, c’est coloré, c’est drôle.

TB: La langue française est une passion. Je dois cela à mon père qui était professeur de littérature et d’histoire. Il parlait beaucoup à la maison. Il a exigé que je sois dans sa classe en disant au directeur: «Je veux mon fils dans ma classe parce que c’est un fumiste et il faut que je le visse.» C’était un grand pédagogue, il nous passionnait pour la littérature et la grammaire. J’aime la littérature, j’aime les mots. J’ai beaucoup lu. Ma vraie vocation était d’être professeur de français, mais je ne voulais pas faire comme mon père. Parce que si je n’arrivais pas à son niveau, j’aurais été frustré toute ma vie. Et donc en faisant quelque chose où il ne connaissait rien, j’avais une chance de m’en sortir. Le droit m’a appris à écrire de manière structurée.

PHB: La famille, la figure du père, figure assez pesante, assez évaluante, assez contrastée. Qui est le vrai Jean-Paul Béguin? Est-ce un tyran? Est-ce un humaniste? Est-ce un modèle?

TB: Tout être humain est complexe. Il avait un côté extrêmement autoritaire, intransigeant, directif, dur. Je me souviens des taloches et des fessées. Il avait un côté très tyrannique, surtout sur ce qu’il fallait faire, comment il fallait penser. Et d’un autre côté, il pouvait être tout à fait charmant. Les repas et les goûters étaient de vraies cérémonies. Et là mon père nous faisait le cours, il nous parlait du cours qu’il venait de faire ou qu’il allait faire. Il nous citait des tirades par cœur. Tout ce qu’il disait m’intéressait et j’absorbais tout. J’ai autant appris à table qu’à l’école. C’était de la littérature et de l’histoire, mais pas de la chimie. Il a évolué à la fin de sa vie, il est devenu beaucoup moins intransigeant et beaucoup moins sûr de lui. C’était un tyran, c’était un humaniste. Et il a su aussi nous donner de la tendresse. Il a montré beaucoup d’empathie pour ses deux fils. J’ai finalement reçu plus de tendresse de mon père que de ma mère. Elle était très soumise à son mari. On se réfugiait vers elle quand on avait reçu une correction du père. Mais mes souvenirs de tendresse, c’est mon père.

PHB: Vous rencontrez toujours la tyrannie autour de vous, avec votre père et en politique (mai 68). Etes-vous né sous une mauvaise étoile?

TB: Je ne suis pas du tout un blessé de la vie. Très reconnaissant d’être né à l’époque où je suis né. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec certains aspects de l’évolution de la société, je m’en accommode. Comme Edith Piaf, je ne regrette rien. J’ai eu beaucoup de chance. Certes, il faut un peu l’aider et il faut savoir la saisir. En tant que magistrat, j’ai rencontré des gens qui n’ont vraiment pas eu de chance. Il y a là une grande inégalité. L’inégalité face à la santé existera toujours et les inégalités face à la vie aussi. Il y a des gens qui ont le don de se mettre dans des situations impossibles. Quand je ramenais des mauvaises notes, mon père me menaçait de m’envoyer faire un apprentissage à la Poste. Ce qu’il ne savait pas, c’est que pour moi la Poste c’était le paradis!

PHB: Vous avez la double nationalité. Plutôt Suisse, sans renier la nationalité française. Dans quelle mesure, ou comment s’est passé le passage du soixante-dix au septante?

TB: Mon père ne supportait pas qu’on utilise des régionalismes. Par exemple: ramassoire. Septante et nonante? Si on voulait déclencher une colère du tonnerre de Zeus à la maison, il fallait dire septante et nonante. Donc, on disait soixante-dix et quatre-vingt-dix à la maison, et septante et nonante à l’école. Lors de vacances en Provence, je me suis aperçu que là on disait septante et nonante. La logique serait de dire septante, octante, nonante. La seule chose, il ne fallait pas le dire à la maison!

PHB: La politique. Un temps, pour vous, la politique fut «une protestation incantatoire contre le déclin de l’Occident chrétien».

TB: Mon père était un homme de droite. Il a fait ses études à Paris. Il était monarchiste en France. Il défendait l’autorité partout où elle était, y compris l’autorité de l’Eglise. Il avait une vision un peu conservatrice de la société. Il fallait éviter toute introduction d’étrangers. Sentiment de rejet face aux juifs et les hommes de gauche des pays totalitaires. On pensait que ces gens allaient nous pervertir, notamment en matière religieuse. Je vivais un peu une vision idéaliste, le moyen-âge. On perdait un certain nombre de choses qui avaient fait l’âme française. Je m’en suis tout à fait obéré petit à petit, en me rendant compte que c’était irréaliste, à la limite dangereux. En catimini (en bas bruit!) parce qu’il ne fallait pas trop affronter le père!

PHB: Extrême droite, l’aventure Réactions et les difficultés pour en sortir?

TB: J'étais au gymnase à La Chaux-de-Fonds à la fin des années 60. Le corps enseignant, notamment des branches littéraires, était imprégné de la pensée marxiste, la majorité étaient députés popistes ou nouvelle gauche au Grand Conseil. J’en ai souffert et je me suis révolté contre cette pensée unique. Puis, j’ai rejoint les Lettres à Paris. Premier examen… en mai 68, enfin normalement! En fait, pas d’examen! J’étais contre ce mouvement de contestation estudiantine. Après les vacances d’été, je ne suis pas retourné à Paris et j’ai terminé mes études à Neuchâtel. Mes camarades étaient dans l’esprit soixante-huitard. On a créé avec quelques amis le journal Réactions, un peu d’extrême droite, avec les exagérations de la jeunesse. Par journal interposé, cela n’a jamais débouché sur des réactions violentes.

Si à ce moment j’avais eu l’intention de faire une carrière politique, je n’aurais jamais participé à ce journal, parce qu’on m’a tout de suite collé une étiquette de facho. Jean-François Aubert nous a réconciliés avec le système politique suisse. Pour cela, il fallait entrer dans un parti. Comme j’étais plutôt conservateur, la parti de droite des Montagnes était le PPN (parti progressiste neuchâtelois). Un ami m’a incité à entrer au parti radical. J’ai commencé à militer dans le parti tout en continuant à écrire dans Réactions. Là, on m’a demandé de choisir et j’ai décidé de quitter Réactions. J’ai arrêté d’écrire dans ce journal… du moins sous mon nom!

Quand on fait de la politique, il faut se faire connaître. Il faut trouver un thème pour faire du militantisme dans la rue. Il y a les grandes idées, mais il faut aussi s’occuper des points très contingents. Ce fut le parcours des bus. Les Autorités avaient décidé de supprimer le passage de tous les bus par la gare. Par la suite, les bus sont revenus à la gare! Nous avions su exploiter un thème qui répondait aux préoccupations du public. Puis, nous avons eu l’idée de créer un groupe des jeunes radicaux. On a obtenu un siège et c’est moi qui ai été élu. Scandale! Un fasciste élu avec 500 voix! Petit à petit, je me suis assagi. Je n’arrive pas à m’identifier totalement à l'idéologie d’un parti, du moins pas sur tous les thèmes. Je remercie mon parti qui m’a fait confiance. Sans cela, je n’aurais pas pu faire la carrière que j’ai faite.

PHB:Il y a un passage de l’extrême droite au centre. La droite vous regardait d’un œil torve, alors que la gauche vous accordait l’asile politique. Au-delà de la gauche et de la droite?

TB: Il faut être conscient que la notion de droite et de gauche n’a pas perdu toute ses valeurs. Elle reste une valeur sur le regard que chacun porte sur la société. Pour trouver des solutions à des problèmes extrêmement complexes, il faut sortir d’un esprit partisan et trouver des compromis. J’ai abandonné l’esprit partisan. On ne peut pas prétendre avoir raison tout seul. Il y a une sensibilité plutôt à droite ou plutôt à gauche.

PHB: Politique et humour peuvent de temps en temps se marier. Par exemple, à Berne avec Jean-Pascal Delamuraz ou une histoire de WC au bord du lac.

TB: Ce n’est pas tous les jours! Il y a des gens qui ont plus ou moins le sens de l’humour. J’ai été séduit par la vivacité d’esprit de Jean-Pascal Delamuraz. Il ne se privait pas, même dans des débats aux Chambres, de faire de l’humour. Par exemple, il défendait une révision de la loi sur l’agriculture. Il était question de limiter la production de raisin au m2, pour augmenter la qualité. On voulait l’inscrire dans la loi fédérale pour que cela soit valable pour tous les cantons. Forte opposition des Valaisans et des Vaudois. Dans un premier vote, les opposants ont eu gain de cause. Jean-Pascal Delamuraz avait longtemps plaidé, avec plein d’arguments. Il s’est tourné vers les Romands: «Eh bien, que les caves se rebiffent!» Puis, un député ayant déposé un amendement pour créer une assurance contre le gel, Jean-Pascal Delamuraz: «On va dans le sens d’une libéralisation, donc il faut introduire une obligation d’assurance contre le gel.» Refusé. «Eh bien c’est ce qui s’appelle prendre une dégelée!» Le droit de donner son avis n’est pas le droit d’avoir raison! Autre exemple: Jean-Pascal Delamuraz était déjà très malade. Une délégation va le voir. Il était assez affaibli. «Depuis que je suis malade, c’est fou ce que les gens sont gentils avec moi. Voyez Couchepin est venu me voir ce matin. Eh bien, en me serrant la main, il m’a pris le pouls!»

PHB: Et votre rencontre avec «un certain François Mitterrand»?

TB: C'était à l'occasion de la réception de François Mitterrand au Palais DuPeyrou. La tradition veut que lorsqu’un chef d’Etat étranger vient en visite officielle en Suisse il passe par le canton de domicile du président du Conseil fédéral.

Scoop: Quand il a été question que le chef de la République Française vienne à Neuchâtel, la cellule de sécurité de l’Elysée qui devait s’assurer de la sécurité du président a débarqué. Il a fallu leur montrer où atterrirait l’hélicoptère, où on placerait les tireurs d’élite sur les toits, le trajet, … Puis, question: «Avez-vous un hôpital?» Réponse: «Nous en avons huit!» (à l’époque…). Ils ont voulu voir celui qui avait les soins intensifs et c’était Les Cadolles. Puis, les hélicoptères. Selon le protocole français, le président ne peut se déplacer que dans un hélicoptère à deux rotors. Nous n’avions que des Alouettes à un rotor et nous avons dû louer à la France un Puma à deux rotors. Et finalement: «On est surpris de voir que vous parlez bien le français!» Et le jour J est arrivé. A l’époque, nous étions impressionnés par l’arrivée du président français. Grand salon du Palais DuPeyrou. Surprise: François Mitterrand était petit (pas plus grand que notre François Jeanneret!).

PHB: Et l'histoire du foulard islamique? Une jeune femme voulait porter le foulard et y a été autorisée, en son temps. Alors qu’il semble que vous le refuseriez aujourd’hui?

TB: La Commission scolaire de La Chaux-de-Fonds décide d’exclure une élève parce qu’elle porte le foulard pour venir en classe. Au nom de la laïcité. Le père fait recours. J’ai cassé cette décision. C’est quoi la laïcité? C’est l’obligation pour l’Etat de respecter une neutralité religieuse. Il ne peut pas y avoir d’interférence entre l’Etat et la religion. Mais cela n’impose pas aux élèves d’éviter tout signe religieux. S’il n’y a pas de prosélytisme, si ce n’est pas ostentatoire, les élèves doivent bénéficier de la liberté de conscience. Autre raisonnement: cette pauvre fille, si elle porte le voile, c’est probablement parce que cela est imposé par sa famille. Donc, n’est-on pas en train de priver d’école une élève en raison des convictions de ses parents? A la privation d’école, à la perte de l’acquisition de l’esprit critique qui lui permettrait de renoncer d’elle-même au port du voile? Aujourd’hui, je ne suis plus sûr que je prendrais la même décision en raison du climat de propagande islamiste qui s’insinue dans la société. Si on accorde ce qu’on considère comme un accommodement (port du voile, piscine, etc.), cela peut être considéré comme une conquête. Vu le contexte général, il faudrait peut-être être moins libéral et réfléchir à deux fois avant de prendre la même décision. Il n’y avait pas encore le problème de l’intégrisme. La laïcité a permis de se dégager de l’emprise des églises catholique et protestante. Je n’ai pas envie aujourd’hui qu’une autre religion me dicte ma conduite.


Conclusion
TB: Il y a deux étapes dans ma carrière, judiciaire et politique. Ma carrière judiciaire, je l’ai beaucoup aimée. Grande liberté! Comme juge d’instruction on avait, à l’époque, une grande indépendance. Grande responsabilité de décision. Comme procureur général durant 17 ans, aucune pression politique. Chaque dossier est une histoire de vie. C’est un grand drame ou un petit drame. Carrière politique: C’est tout autre chose. Maurice Druon a dit: «La politique, c’est l’art des choses inachevées». Vous partez sans avoir terminé les choses, vous arrivez en devant reprendre des dossiers lancés par d’autres. Très grande solidarité au sein du Conseil d’Etat. Cinq personnes avec des options politiques de base différentes et qui devaient régler les problèmes de société. Le débat politique est normal. Ce qui est décevant, c’est que les adversaires politiques les plus redoutables sont souvent dans votre propre parti.

Le respect des minorités est ancré, les mœurs politiques sont plus fortes que les lois.
 
 
 

 

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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 14 Décembre, 2016