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Les tabous de 1814 – Les Neuchâtelois, des Suisses depuis quand?

par Arnaud Besson

12 novembre 2014

 

Pierre-Henri Béguin, président du Musée de l'Areuse, présente Arnaud Besson, assistant à l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel, histoire médiévale et ancienne. Arnaud Besson prépare une thèse de doctorat sur l’évolution de la citoyenneté dans le monde romain. Il va nous présenter l’histoire des Neuchâtelois sous un angle que nous ne connaissons pas beaucoup.



Depuis quand les Neuchâtelois sont-ils Suisses?
2014 marque le bicentenaire de Neuchâtel dans la Suisse. Longtemps, cette date a été refusée par les autorités. Pourquoi Neuchâtel n’a pas fêté 1814? Il y a un problème avec cette date. Pourquoi parler de tabou? Pourquoi poser des questions sur 1814? Parce que 1814 n’est pas la bonne date. La Diète Fédérale a admis les Neuchâtelois au titre de 21e canton, juste après les Valaisans, et suivis des Genevois. Le 7 août 1815 a lieu la signature du Pacte fédéral. La décision a été prise en 1814, mais la signature intervient en 1815. Pour le 50e, en 1864, il n'y a pas de célébrations organisées. Pour les 100e et 125e, en 1914 et en 1939, ce n'était pas le moment de célébrer!


Choix délibéré? En 1964, Maurice Favre parvient à faire enterrer le projet de célébration parce qu’il juge cette date «impure».

En 1989, le 175e est célébré, avec cérémonie officielle et feux d’artifice. Le député Favre a donné des raisons: il prétend que 1814 est incompatible avec 1848. Le 1er mars 1848 efface le 12 septembre 1814. Le 1er mars a une avenue, une marche, est célébré chaque année par un jour férié. Le cinquantenaire de la République, en 1898, est célébré par des discours, un monument, l'évocation de l’histoire du pays de Neuchâtel. 1848 est aussi l’instauration de la Constitution fédérale. L’idéologie radicale s’implante. Pour Neuchâtel, il faut convaincre les citoyens et au-delà des frontières cantonales, car il y a division parmi les radicaux. Il faut rapprocher les gens, les confessions.


En 1898, pièce historique est jouée: vision officielle, elle retrace les faits d’armes. Deux dimensions: vue consensuelle, on évite de traiter des moments de dissension et on considère les événements comme tendant vers un seul but. Dans le sommaire de la pièce, il manque 1814! C'est un enjeu politique.

Au Moyen-Âge, les Comtes de Neuchâtel signent des traités de combourgeoisie, notamment celui avec Berne qui s’arroge un droit de regard dans les affaires de Neuchâtel. Berne devient l’arbitre des dissensions entre les Neuchâtelois et les Orléans-Longueville (1503-1707).
 

Occupation suisse entre 1512-1529: voir les écussons peints sur la façade du Château. Les Bernois préparent les Neuchâtelois à la Réforme. Au lieu de rapprocher les Neuchâtelois de la France, les Orléans-Longueville vont devenir «Comtes souverains de Neuchâtel».

Il est question que Neuchâtel devienne le 14e canton suisse, mais finalement Berne préfère les avoir à l’œil sous tutelle que comme canton.

A l’extinction de la famille Orléans-Longueville, il y a 19 prétendants pour hériter du Comté de Neuchâtel. Les Français s'opposent aux Prussiens. Les Prussiens ont des avantages: ils sont protestants et ils sont loin. Il s’agit aussi d’éloigner définitivement les menaces d’annexion du Comté par les Français. Depuis le 16e siècle et les Orléans-Longueville, il est nécessaire de s’affirmer Suisses pour éviter les velléités d’annexion des Français.

3 novembre 1707: proclamation de Frédéric 1er comme Prince de Neuchâtel.




   

1898: pourquoi les Neuchâtelois ont-ils été chercher un passé glorieux qui montrerait que les Neuchâtelois sont des Suisses depuis toujours?

Au 19e siècle, un texte va «prouver» que les Neuchâtelois sont Suisses depuis toujours. C’est le texte des Chanoines. Le chancelier Emer de Montmollin confirme son authenticité et l’utilise. Les écoles basent leurs livres sur cette chronique. Auguste Bachelin, président de la SHAN se félicite de la réédition de la fameuse chronique en 1882. Arthur Piaget et Jules Jeanjaquet démontrent, en 1895, que cette chronique est une supercherie. Ils se basent sur la langue utilisée, notamment. Jules Jeanjaquet argumente: si la chronique n’est pas authentique, les mémoires ne peuvent pas l’être non plus. L’auteur présumé de ce texte est Abram de Pury, ami de Rousseau… Certains de ces écrits ont été publiés anonymement et brûlés sur la place publique. Le texte est de 1868, donc bien avant.


Le chanoine
Hugues de Pierre



La fameuse chronique

Abram de Pury

Le Tombeau des Prétendans sera brûlé sur la place publique


Les «rêveries» d’Abram de Pury sont basées sur des écrits. Abram de Pury cherche à faire au minimum inscrire Neuchâtel dans l’histoire de la Suisse. Les Neuchâtelois ne seront pas inclus dans l’alliance… «Il est toutefois absolument nécessaire…». Donc, il va «créer» un arsenal de faits historiques pour prouver que les Neuchâtelois sont Suisses.

Jérôme-Emmanuel Boyve fait partie d’un groupe lié par des liens de famille et d’idées. Par conséquent, Arnaud Besson pense que cela a été rédigé avec la complicité d’Abram de Pury.


Recherches sur l’Indigénat de Jérôme-Emmanuel Boyve

1780: Abram de Pury va être réintégré.

1892: mouvement de rapprochement avec la Suisse. Le Roi de France demande que Neuchâtel soit intégré au Traité de neutralité des cantons suisses, ce que la France reconnaîtra. Napoléon échange Hannovre avec divers comtés, dont Neuchâtel.


Le pont Berthier à Serrières

1814: Neuchâtel est 21e canton suisse, le 12 septembre. Mais son inclusion est imparfaite parce qu’il demeure une principauté jusqu’en 1848. C'est un fait unique.
En 1831, première tentative de révolution, réprimée militairement.
Le 12 septembre 1831, dans le cadre des cérémonies, Bourquin fomente son complot, d’où interdiction de fêter le 12 septembre!
En 1840, il y a interdiction de faire flotter un drapeau suisse dans le canton de Neuchâtel. La révolution de 1848 se passera sans bain de sang.
La contre-révolution est réprimée dans le sang. En 1857, le Roi de Prusse renonce définitivement au Comté de Neuchâtel.

L'histoire de Neuchâtel est donc complexe et la date de 1814 pose toujours et encore un problème.

Devise de la République:

 
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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 16 Janvier, 2016