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L'internement en Suisse de l'armée du Général Bourbaki

par Laurent Huguenin

24 septembre 2014

 

Bref rappel historique
A la suite des défaites françaises dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871, une armée de l’Est est constituée à la hâte, sous le commandement du général Bourbaki. Elle a pour mission de secourir Belfort assiégée et de couper l’approvisionnement des armées prussiennes en occupant les Vosges. Défaite, gelée, elle doit être internée en Suisse. Du 1er au 3 février, 87'000 hommes et 12'000 chevaux passent par Les Verrières, Sainte-Croix, Vallorbe et la Vallée de Joux. Le Conseil fédéral répartit les internés entre tous les cantons sauf le Tessin. Partout, la population leur prodigue soins et assistance. Leur rapatriement s'effectuera du 13 au 22 mars. La France remboursera les frais publics (plus de 12 millions de francs). Dès 1889, le panorama conçu par le genevois Edouard Castres à Lucerne rappelle l'événement.

Pierre-Henri Béguin, président du Musée de l'Areuse, présente
Laurent Huguenin, enseignant qui habite «Au Coin» à La Sagne (pour un enseignant, cela ne s'invente pas!), professeur d’histoire, ancien directeur de l’école secondaire de La Chaux-de-Fonds, conservateur bénévole du Musée de La Sagne.



Laurent Hug raconte qu'il a trouvé dans son jardin des silex. Il les a soumis au directeuir du Laténium qui a conclu que c’étaient des pierres à fusil. Comme il habite un ancien café, le Café de la Tempérance, il imagine que les Bourbaki venant des Verrières ont désarmé leurs fusils à La Sagne.



Guerre de 70
C’est une guerre qui a commencé alors qu’on n’avait pas vraiment envie de la commencer. Napoléon III. Développement de la France. Construction du réseau de chemins de fer. Epoque où Haussmann trace les grands axes de Paris. Développement du commerce.

Relations avec la Suisse
Napoléon III a rendu de grands services à la Suisse en 1856 : grande négociation internationale après tentative de restauration prussienne par les révolutionnaires neuchâtelois. Il a calmé le jeu.

 

 

Politique étrangère maladroite
La France n’a pas d’alliés en 1870. D’abord guerre entre Autriche et Prusse: la France ne s’y implique pas. Appui de la France à la Constitution italienne. La France a chaque fois créé des rancunes. Napoléon n’inspirait pas forcément confiance parce qu’il faisait partie de la famille de Bonaparte.

En 1870, il est malade (lithiase, maladie de la pierre). Il souffre d’incontinence. Il est affaibli. Il ne dispose pas d’une armée puissante et n’a pas vraiment confiance dans ses chefs militaires. Dans son gouvernement, il y a quelques «va-t-en-guerre», notamment sa femme et le Duc de Gramont.

Côté allemand, Otto von Bismarck, chancelier du Roi de Prusse Guillaume 1er, était régent de Frédéric Guillaume III. Bismarck veut réaliser l’unité allemande et veut donc une guerre. Mais pour enclencher une guerre, il faut un prétexte. Il le trouve avec la Dépêche d’Elms.


Bien qu'Adolphe Thiers ait prévenu le Congrès français qu’ils n'étaient pas prêts, la guerre est décrétée le 13 juillet et l’armée française est mal préparée, mal équipée. Elle subit des défaites.

  • Saint-Privat, 18 août
  • Sedan, 1er septembre. Le 2 septembre, Napoléon est prisonnier des Français. L’armée prussienne peut se rendre à Paris (2 millions d’habitants à cette époque). Comme Napolépn est prisonnier, l’Empire est terminé: c'est le début de la IIIe République.
  • L’armée de Basen capitule à Metz. Paris est assiégée. Le gouvernement se réfugie à Tours.

 

Léon Gambetta
Les communications sont difficiles. Il y a les pigeons voyageurs et le ballon à hélium. Seulement, un ballon, dérouté par le vent, a atterri en Norvège avec à son bord ceux qui devaient libérer Paris.

Le Général Charles-Denis Bourbaki
D’origine grecque, il est nommé commandant de la garde en 1870. Il est fidèle à la France. Il va essayer de couper la ligne allemande. Belfort est assiégée depuis novembre.



Armée de l'Est
Première Armée de la Loire + Armée de Lyon, à Belfort. Les Français ne sont pas équipés contre le froid. Pour les déplacer, on utilise le chemin de fer et le télégraphe pour la communication. Le déplacement va durer 12 heures, au lieu des 3 prévues.

Durant cet hiver, le thermomètre va atteindre les -15°C. La neige est abondante. Les trains, à voie unique, ne peuvent donc croiser. Or, pour transporter le matériel, l’approvisionnement et les hommes il faut faire des allers-retours. Les gares choisies sont de petites gares de campagne avec un petit quai.

Sur 150'000 hommes, 85'000 sont internés aux Verrières.


Bataille de la Lizère
Les Allemands sont trois fois moins nombreux que les Français, mais leur équipement est bien meilleur.

Le général Bourbaki reçoit des informations inquiétantes : Hans Edwin von Manteuffel vient couper la retraite à Bourbaki. Garibaldi se met à disposition du gouvernement dès qu’il sait que Napoléon a été renversé. On lui confie une armée de la région de Dijon. Mais il est malade et vieux. Il hésite à s’engager alors qu’il aurait pu empêcher Manteuffel de forcer l’armée de Bourbaki de reculer. Bourbaki pensait pouvoir s’échapper vers le sud comme l’a fait la division Cremer. Bourbaki est désespéré et tente de se suicider. Il est destitué et c’est Chinchant qui négociera l’aide de la Suisse. Hiver rigoureux et s’il y a un jour de dégel l’armée s’embourbe et les chevaux, mal « chaussés », glissent sur la glace.


Bismarck pose les conditions d’armistice à la France, signées le 28 janvier dans la galerie des glaces de Versailles. L’unité allemande est réalisée. Cela exclut de l’armistice les départements du Doubs et du Jura.

Le Général Chinchant s’installe à Pontarlier. Le 31 janvier, il prend contact avec Les Verrières pour sonder les autorités suisses afin de négocier l’internement.

Sur cette carte de la Suisse, on voit que Berne a perdu son grenier (l’Argovie), sa cave à vin (Vaud), et a reçu le galetas (le Jura).

16 juillet 1870: Convocation de l’Assemblée fédérale. Le Général Hans Herzog, lorsque la guerre s’éloigne, a démobilisé.

A Neuchâtel, beaucoup de mouvements. Le Conseil d’Etat a été nommé en 1868. Il compte six membres parce qu’Alexis-Marie Piaget est décédé. Les troupes prêtent serment à Neuchâtel et se postent sur la frontière.

 

Eté 1870: les Français chassent les étrangers de chez eux: ils chassent les Allemands, les Italiens et les Suisses qui passent par les Verrières. Ainsi, 5'700 personnes transitent par Les Verrières.

Dans les vallées, il y a des royalistes et les chars de foin rentraient parfois coiffés du drapeau prussien.

A la Sagne, il y a des manifestations que le Conseil communal s’engage à faire cesser en certifiant au Conseil d’Etat qu’ils sont de sincères républicains.

Il reste en Suisse 4'100 soldats mobilisés + 15'000 hommes en renfort pour faire face aux 2x 100'000 hommes des deux armées qui leur font face.

 

Neutralité suisse: Réaffirmée au Congrès de Vienne et définie comme une neutralité armée. On veut éviter qu’il y ait un ventre mou au centre de l’Europe ou que des armées choisissent de traverser la Suisse. Le concept d’internement est connu. Une armée internée est désarmée.

Naissance de la Croix-Rouge
Henri Dunant négociant. Il fait partie de l’Eglise évangélique. Solférino: constitue un Comité de Genève qui deviendra le Comité international de la Croix-Rouge.


Négociations Chinchant - Herzog
Chinchant envoie un émissaire aux Verrières pour négocier avec les Suisses. Herzog déplace son état-major à Neuchâtel pour être plus près. Il y a déjà le chemin de fer, depuis 1860, mais pour se déplacer aux Verrières, les routes sont encombrées par des convois de déplacés. 85'000 hommes vont être internés aux Verrières et il faudra les nourrir.

1er février: signature de la Convention d’internement entre Herzog et Chinchant.




11'800 chevaux en plus des 85'000 hommes. Par Sainte-Croix, Vallorbe, la Vallée de Joux et Les Verrières.

Batterie de Neige: Pour permettre au reste de l’armée française d’entrer en Suisse, les plus vaillants essaient de se réfugier chez des paysans, empruntent des habits civils et repassent la frontière pour rentrer en France. Les autres doivent se rendre à pied là où on veut bien les héberger.




11'000 Bourbaki à Zurich, 20'000 à Berne, aucun au Tessin parce que le Col du Gothard n’était pas percé, le Tessin est inaccessible. Les blessés et les malades restent aux Verrières. Certains sont atteints de la variole. Pour alimenter tout ces hommes, ordre est donné à toutes les boulangeries de cuire en continuité du pain. Mais le sel vient à manquer. Il vient de France. Il va en venir de Rheinfelden.









2'559 chevaux arrivent à Colombier dans un état pitoyable. Certains meurent et il faut les enterrer ce qui pose un problème. On fait appel à la population civile pour creuser avant le dégel.

Des malades sont accueillis à Neuchâtel, notamment au Temple-du-Bas. Les habitants vont aider les soldats à écrire à leur famille parce que souvent ils sont illettrés.


Dans les différents combats, il y a des pertes humaines, ce qui explique que d’une armée de 150'000 hommes il n’y en a «que» 85'000 qui arrivent en Suisse. Et il y a eu aussi quelques déserteurs. Beaucoup de ces soldats sont morts en Suisse malgré les soins.





22 mars à Colombier : un train rempli de Bourbaki entre en collision avec un train de marchandises. Il y a 22 morts.
Panorama
Edouard Castres, premier à droite sur la photo. C’est lui qui a peint le panorama. Il était médecin. Il a peint à l’aide de modèles. Il a utilisé des travaux réalisés avant lui, par exemple d’Auguste Bachelin, d’Oscar Huguenin et de Ferdinand Hodler qui est un jeune peintre qui a travaillé avec Castres.

Albert Anker

Auguste Bachelin


L’acte de reddition a été signé
dans la maison de Monsieur Martin aux Verrières, maison qui existe encore.



L’hébergement de ces hommes et chevaux a coûté 12 millions de francs de l'époque. Lorsque la somme a été remboursée par la France, tout le matériel (fusils, canons, etc.) lui a été rendu.
Allée des Bourbaki à Colombier: les chevaux y étaient attachés et rongeaient l’écorce des arbres. De ce fait, tous les arbres ont dû être remplacés.
Ainsi l'ont vu les caricaturistes!
 
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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 20 Janvier, 2016