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Assemblée générale 2008: mercredi 19 mars 2008

Pierre-Henri Béguin, Président, ouvre l'assemblée générale et salue Raoul Lembwadio, conseiller communal à Boudry, Nicolas Junod, conseiller communal à Bevaix, Antonio Cortes, conseiller communal à Cortaillod et les représentants de la commune de La Sagne, Roger Vuille et Laurent Huguenin, respectivement aussi conservateur et futur conservateur du Musée de la Sagne. Il relève également la présence de Daniel Moulin, chef de l'entreprise qui a sponsorisé la réfection des façades du Musée. Il précise encore que la commune de Bôle est excusée.

Il a le plaisir d’annoncer que l’inventaire des parchemins et manuscrits du Musée de l’Areuse, avec restauration de plusieurs manuscrits est terminé. En tout, 45 documents ont été documentés, intégralement transcrits (tâche ardue pour certains, car il y en a en danois, en allemand et certains comportent quelques dizaines de pages) et répertoriés. L’inventaire des livres (plus de 1000 livres à répertorier) est reporté : Aurélie Luther qui s’en charge est actuellement accaparée par sa thèse de doctorat. Quant à l’aménagement du galetas, les travaux suivent leur cours (grâce à Albert Rossetti, les meubles de rangement sont créés en fonction des dimensions des objets qui doivent y trouver leur place).


Deux des parchemins originaux restaurés

Le Président remercie la commune de Boudry de son soutien sans lequel le Musée ne pourrait pas avoir un tel dynamisme. Il prie Raoul Lembwadio de transmettre ses remerciements à ses collègues des Autorités boudrysannes.

Il souligne que le Musée a accueilli 501 personnes en 2007, y compris les visites guidées (au nombre desquelles il relève une délégation du Sénégal). Pendant les manifestations (veillées, 1er avril et assemblée générale), 580 personnes ont passé leur soirée au Musée de l’Areuse.

Pour connaître le programme 2008, chacun est invité à prendre part à la manifestation du 1er avril à 18 heures. Le Président révèle toutefois déjà qu'il y aura à nouveau trois veillées. Il informe également que le Musée participera à la cérémonie d'inauguration de la maison du Pervoux le 17 mai 2008 de 10 à 17 heures.

Par ailleurs, le Musée de l'Areuse a reçu un magnifique cadeau du Rotary Club de Boudry-La Béroche. Grâce à ce don généreux, il pourra doter sa salle du rez-de-chaussée d'un éclairage adéquat et digne des lieux. La fin de ces travaux sera très probablement marquée par une petite manifestation sympathique, telle que le Musée de l'Areuse en a le secret!

L'exposition temporaire 2008, qui sera vernissée également le 1er avril, aura pour titre "De la cavette aux cafignons, chaleur du patois neuchâtelois".

Dans les "Divers", Raoul Lembwadio, au nom des autorités de Boudry remercie à son tour toute l'équipe du Musée de l'Areuse. Il souligne que le Musée prouve que même dans la culture on peut faire du bénéfice (les comptes 2007 se soldent par un bénéfice de Fr. 3300.-). Il promet de transmettre le message du Président du Musée non seulement au Conseil communal, mais aussi au Conseil général qui a permis la création de l'antenne touristique dans ce Musée.


Le prochain rendez-vous est donc le mardi 1er avril 2008 à 18 heures: traditionnelle cérémonie de réouverture du Musée et inauguration d'une statue farfelue.

 

Conférence publique

Mutilations d'animaux: les mécanismes de l'erreur judiciaire ou quand les médias s'emballent - juin à octobre 2005
par Olivier Guéniat, Chef de la Police cantonale de sûreté

C’est à nouveau devant une salle comble que Pierre-Henri Béguin a le plaisir de saluer l’orateur de la soirée, personne très recherchée dans le Canton. Il surpasse Sherlock Holmes, est connu de tous les Neuchâtelois et craint de tous les dealers. Mais, ajoute le Président, nul n’est parfait: ses origines sont tout de même jurassiennes et il est né à Porrentruy (en 1967). Il est criminaliste de formation et a soutenu une thèse de doctorat, à l’âge de 34 ans, sur le thème: «Le profilage de l’héroïne et de la cocaïne - les méthodes d'analyses, la modélisation du concept du profilage, la gestion et l'exploitation des liens». A 25 ans, il est déjà chef de l’Identité judiciaire de la police cantonale du Jura, à 30 ans il devient chef de la Police de sûreté du canton de Neuchâtel et à 40 ans il publie un livre «Délinquance des jeunes». Beau parcours!

Olivier Guéniat va se pencher sur un fiasco judiciaire de l’année 2005 : l’histoire du sadique zoophile. Il plante d’abord le décor : une période terriblement creuse au niveau des rédactions. A la base, un fait divers qui va devenir un véritable feuilleton. Les articles se comptent par dizaines. Saturne a titré après coup: «L’enquête la plus nulle de Suisse». Et un autre journal: «Près de quarante bêtes blessées et aucune piste. Les policiers du Nord-Ouest ont autant de flair que Rantanplan et autant de méthode que Lagafe».

L’affaire est née à Bâle-Campagne et est venue mourir en terre neuchâteloise. Il y avait trois bonnes raisons de lire les articles de la presse … et d’en redemander: On s’attaquait à un symbole suisse, les vaches. A l’innocence de l’animal. Ensuite, on parlait de sexe.

 

A l’époque, Olivier Guéniat espère secrètement que le «sadique» restera hors des frontières du Canton. Il donne toutefois des consignes pour le cas où «IL» débarquerait sur Neuchâtel: agir comme s’il s’agissait d’un meurtre, et pour identifier le sadique, faire des prélèvements d’ADN par exemple sur le collier de la vache parce qu’il lui a bien fallu tenir l’animal … Dans les cantons de Bâle et de Soleure, aucune photographie n’a été prise; il n’y a donc aucune preuve.

Plus de 300 articles de presse ont été écrits sur le sujet. Les titres enflamment l’opinion publique. Quelques exemples: «Un zoophile assoiffé de sang» (Le Matin); «Sadique zoophile: nombre d’agressions revues à la hausse» (Le Matin); «Traque du sadique des animaux» (24 Heures); «Le sadique ferait mieux de se rendre» (L’Illustré); «Trois suspects relâchés en Suisse allemande» (Le Matin); «Le psychiatre qui suit l’enquête a indiqué: il pourrait s’en prendre à des humains» (Le Matin); «Et si c’étaient des extra-terrestres?» (La Liberté).

Des personnes ont été mises en garde à vue, les paysans prennent leur fusil et gardent leurs champs.

Que s’est-il passé? Tout est dû à l’effet de contexte!

Olivier Guéniat explique qu’au moment où nous lisons un article ou regardons un reportage à la télévision, nous sommes persuadés que cela existe, il n’y a aucun doute. Nous entendons des gens qui parlent officiellement et qui disent qu’il y a un groupe de sadiques zoophiles. C’est le même mécanisme que dans les affaires «Grégory» ou «d’Outreau». Lorsqu’on lit ces articles on entre dans l’émotionnel. Tout ce qui contredit cette hypothèse n’est pas lu par notre œil. En créant un contexte, on modifie la perception et le comportement. Lorsqu’on est sûr de quelque chose, on ne va prendre que les indices qui corroborent notre conviction et éliminer tout ce qui les contredits. On peut donc mener à l’échafaud des gens parce qu’on est convaincu qu’ils sont coupables. Si on introduit des éléments de réponse dans la question, la personne interrogée va utiliser ces éléments pour répondre. C’est humain et extrêmement dangereux.

Par exemple, on a donné à 350 professeurs des épreuves d’élèves à corriger, en précisant le QI de chaque élève. Les élèves à qui était attribué un QI élevé ont eu des résultats meilleurs que les autres … alors que ces QI étaient inventés.

Les affaires neuchâteloises, en particulier l'âne Coca mort à Couvet

Coca était un âne de 30 ans qui, selon ses maîtres, «faisait partie de la famille». Il était connu dans tout le village, notamment en raison de sa participation active à la fête de Noël. Coca a été retrouvé mort dans son enclos, l'arrière-train mutilé.

Déjà le communiqué de presse de la Police aiguille sur un contexte. Le vocabulaire utilisé reprend des indications du premier rapport de l’agent de police (teinté d’émotionnel) qui donnent l’impression qu’il y a intervention d’un homme: «mutilé avec un couteau». La police a communiqué sans rigueur puisqu’elle a parlé de couteau alors qu’aucune preuve de l’utilisation d’un «objet tranchant» n’était apportée.

En plus des médias, d'autres «experts» s'en mêlent. En particulier, la voyante personnelle de la Reine d’Angleterre est venue sur place. Elle a dit qu’on avait emporté les oreilles et le sexe de Coca pour les fixer au-dessus d'une porte. Or, la verge était toujours là et l’âne était castré!

L'autopsie a conclu que l’âne de Couvet était mort d’un arrêt cardiaque.

Dans cette même période, il y a eu plusieurs cas signalés à la police, notamment des bovidés mutilés: parce qu’il y avait ce contexte, des cas de mort d’animaux dans les champs ont été signalés, alors que cela se passe chaque année et on ne les signale pas quand il n’y a pas de contexte.

Comment mener une enquête en s'affranchissant de l'effet «contexte»?

Méthodologie : partir d'une hypothèse principale et chercher toutes les alternatives possibles.

Pour échapper à cet effet de contexte: chercher les hypothèses alternatives. Si on croit que ça s’est passé comme ça, il faut se demander si cela a pu se passer autrement. Envisager toutes les hypothèses.

Pour l’âne Coca, les hypothèses étaient :

  1. Intervention humaine
  2. Automutilation
  3. Intermutilation
  4. Mutilation accidentelle
  5. Mort naturelle avec passage d’un carnivore
  6. Fraude à l’assurance et imitation

Dans l'équipe de Olivier Guéniat, elles sont affichées aux murs pour qu’on ne puisse plus les oublier. Si elles sont occultées, on part dans l’effet tunnel (donc on ne voit plus rien d'autre que ce en quoi on croit dur comme fer).

Ensuite, il faut récolter des indices corroborant ou infirmant les hypothèses. Chaque indice doit être mis en relation avec chacune des hypothèses.

Les difficultés particulières de cette affaire

Dans la police, on connaît mieux le milieu de la prostitution que celui des bovins, des équins, des caprins, des ovins, etc., surtout les policiers citadins. Un vétérinaire, lui, connaît bien les organes d’un animal, mais il est un soignant. Il n’est pas médecin-légiste pour interpréter les éléments trouvés. Et un médecin-légiste ne connaît rien de l’intérieur d’une vache! Il a donc fallu mettre ensemble plusieurs spécialistes et aller faire des expériences in situ: aux abattoirs, sur des bêtes mortes, ils ont reproduit des coupures avec divers objets tranchants. La meilleure interprétation est l’interprétation collégiale : policier scientifique, vétérinaire, médecin-légiste, spécialiste des prédateurs carnivores, toxicologue, hématologue, etc.

Conclusion et questions

Olivier Guéniat précise tout l'art d'un bon enquêteur: ne pas commenter des affirmations sans preuve, savoir se taire, mettre sur pied une méthodologie appropriée. Mais cela ne correspond pas aux attentes médiatiques! Et de citer François Gross: «dans les médias, on procède par grosses affirmations, sans cultiver initialement le doute».

Représentant les médias locaux, Léo Byssaeth s'est dit persuadé que, encore maintenant, il y a des gens qui pensent qu’il y a eu un sadique zoophile en Suisse. Car, même si la rectification a été faite dans les médias, ça n’a pas le même poids. Et les médias n’ont pas fait la Une de leur tirage avec la rectification.

Ce qui est confirmé par Olivier Guéniat: Il y a eu une conférence de presse, assez bien couverte. Mais c’est un fusil à un coup à mettre en parallèle avec les 300 articles parus sur plusieurs mois. Et l’impact intéresse moins. Le fait divers intéresse (sordide, sanglant et sexuel). Sinon, c’est insipide, inodore et incolore et les gens vont lire la page des sports!

Et pour bien démontrer qu'il faut rester critique jusqu'au bout, Olivier Guéniat ajoute que dans le cas de l’âne, il pourrait y avoir quelqu’un qui soutienne qu’il y avait quand même un sadique, qui a voulu violer l’âne, qui malheureusement est mort d’une crise cardiaque. Ensuite, le sadique l’a violé et un renard a passé, a mordu l’âne à l’arrière-train, enlevant toutes traces du viol!

Le message à retenir dans tout cela: le consommateur d'information ne doit pas prendre pour argent comptant ce qu’il lit, parce que le journaliste peut aussi être victime de l’effet «contexte» et de l’émotion. Et même avec toutes les méthodologies, les erreurs ne sont pas exclues, parce qu’ils reste derrière tout cela des humains.


Fidèle à la tradition, le Musée de l'Areuse a offert un superbe "poussegnon": cakes, gâteaux, tartes, pâtisseries - amoureusement préparés par quelques membres du Musée -
.... le tout arrosé de nectars du terroir!

 
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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 9 avril, 2010